Par une récente décision, le Conseil d’Etat a annulé la délibération du conseil municipal de la commune de Ploërmel ayant décidé de l’installation d’un signe religieux sur l’espace public (CE, 25 octobre 2017, Fédération morbihannaise de la libre pensée, req. 396.990, AJDA 2017, p. 2041).
Plusieurs enseignements sont à tirer de cette importante et médiatique décision.
(i) Premièrement, le Conseil d’Etat rappelle qu’une autorité administrative compétente, saisie par une personne intéressée d'une demande en ce sens, n'est tenue de procéder à l'abrogation d'une décision non réglementaire qui n'a pas créé de droits que si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait intervenus postérieurement à son édiction. Autrement dit, elle n’est pas tenue d’abroger une délibération devenue définitive lorsque l’illégalité affectait cette décision dès son origine. Au cas d'espèce, il décide que dans la mesure où la délibération prévoyant l’installation d’une statue du Pape Jean-Paul II était illégale dès son origine et est devenue définitive au jour de la demande d'abrogation, le maire "n'était pas tenu" de l'abroger. Il en va différemment de la décision portant installation de l’arche et de la croix dans la mesure où elle n’est pas devenue définitive puisqu’aucune formalité de publication n’avait été effectuée.
(ii) Deuxièmement, s’agissant de cette dernière décision, le Conseil d’Etat indique que les dispositions de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ont pour objet d'assurer la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes, et s'opposent ainsi à l'installation par celles-ci, dans un emplacement public, d'un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d'un culte ou marquant une préférence religieuse, sous réserve des exceptions qu'elles ménagent (comme, par exemple, une forte tradition catholique locale). En application de ce principe, les juges du Palais Royal précisent que si l'arche surplombant la statue ne saurait, par elle-même, être regardée comme un signe ou emblème religieux au sens de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905, il en va différemment, eu égard à ses caractéristiques, de la croix. En conséquence, l'édification de cette croix sur un emplacement public méconnaît ces dispositions. La décision prévoyant son installation doit donc être annulée.
(iii) Troisièmement, le Conseil d’Etat fait savoir que sont sans incidence sur la légalité des décisions attaquées :
- la circonstance que l'installation de la statue aurait fait l'objet d'une décision de non-opposition à déclaration de travaux au profit de la commune devenue définitive ;
- le moyen tiré de l'intérêt économique et touristique du monument ;
- le moyen tiré de ce que le retrait de tout ou partie de l'œuvre méconnaîtrait les engagements contractuels la liant à l'artiste ayant créé cet œuvre.
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